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Pour la première fois de l’histoire de la justice en France, une citoyenne française est renvoyée devant une cour d’assises spéciale pour le « crime des crimes », celui de « génocide ». Se profile ainsi le tout premier procès portant spécifiquement sur ce chef d’accusation pour un citoyen français, Maurice Papon ayant été jugé en 1997 pour « crimes contre l’humanité ».
Outre sa participation à « un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, (…) en l’espèce la communauté yézidie », en portant des « atteintes graves à son intégrité physique ou psychique », Sonia Mejri, une « revenante » de Syrie, est aussi accusée de « participation à une association de malfaiteurs terroriste », « crimes contre l’humanité » (« réduction en esclavage », « emprisonnement », « torture », « persécution » et « autres actes inhumains »). Sa défense peut encore faire appel de l’ordonnance de mise en accusation en date du 24 septembre.
Sonia Mejri, 35 ans, a quitté la France, où elle gérait un snack à Romans-sur-Isère (Drôme), le 19 septembre 2014, pour se rendre en Syrie dans le territoire du pseudo-califat de l’organisation Etat islamique (EI). Elle y a épousé, peu après son arrivée, un émir de l’EI, Abdelnasser Benyoucef, connu sous le nom de guerre d’Abou Al-Mouthana, avec lequel elle avait deux enfants.
Benyoucef, né en 1973 en Algérie, a grandi à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Parti étudier la religion au Caire puis à Damas, il est allé en Afghanistan dans les années 1990 se former au maniement des armes. Impliqué dans un faux braquage en France, il fuit en Algérie, où il effectue deux peines de prison avant d’être libéré en 2013, date à laquelle il s’envole pour la Syrie.
Membre fondateur de la cellule des opérations extérieures de l’EI, qui a notamment planifié les attentats de Paris et de Saint-Denis du 13 novembre 2015, il devient, à partir d’avril 2015, chef d’une katiba. Il trouve vraisemblablement la mort dans des combats en mars 2016. Son corps n’ayant jamais été retrouvé, il a été condamné en son absence en France pour avoir commandité l’attentat manqué de Villejuif, en 2015, durant lequel une femme, Aurélie Chatelain, a été assassinée par Sid Ahmed Ghlam, originaire du même village que lui en Algérie. Dans le cadre de l’information judiciaire sur le génocide des yézidis, il fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis le 26 juin 2023.
Après la mort d’Abdelnasser Benyoucef, Sonia Mejri s’est mariée avec un autre combattant de l’EI, Rabir Gherbi, alias Oussama Al-Jazairi, originaire des Yvelines. Elle a eu un autre enfant. Le couple a été arrêté à Baghouz, dernière place forte du pseudo-califat, en mars 2019. Rabir Gherbi est détenu, jusqu’à ce jour, par les forces kurdes en Syrie. Sonia Mejri, elle, a réussi à passer clandestinement en Turquie avec ses trois enfants. Emprisonnée puis expulsée vers la France, elle y est mise en examen dès son interrogatoire de première comparution, le 28 janvier 2020. Mais il n’est pas encore question de crimes contre l’humanité ni de génocide ou d’esclavage. L’information judiciaire est sur le point d’être close le 8 octobre 2021. Toutefois, comme le précise le juge d’instruction, « il apparaissait à la lecture du rapport du service pénitentiaire et de probation (…) que Sonia Mejri avait évoqué (…) la présence dans son foyer syrien d’une esclave yézidie appartenant à son mari ».
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